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Scævola : la Bonne Droite qui sauva Rome

Il est des actes de bravoure qui marquent l'histoire à jamais. Parmi eux, l'exploit du Romain Mucius Scævola reste un exemple de détermination, de sacrifice et de patriotisme.

Au VIᵉ siècle avant J.-C., Rome n’était encore qu’une bourgade venant de renverser la monarchie. Cette jeune République, entourée de peuples plus agressifs les uns que les autres, ne pouvait compter que sur la vaillance de ses citoyens pour survivre.

Mais à plusieurs reprises, la Ville éternelle, dont le destin façonnera l’Europe, a frôlé l’anéantissement. Dans ces situations, ce n’est plus la force de son armée qui l’a sauvée, mais bien l’action héroïque d’un homme providentiel.

C’est un de ces épisodes que nous allons vous conter aujourd’hui.

Toile de Charles Le Brun (détail), 1645

Rome, seule face au monde

Nous sommes en l’an -507. La République vient à peine d’être proclamée et les Tarquins, l’ancienne famille royale, se sont réfugiés chez les puissants voisins étrusques, l’antique civilisation qui régnait alors sur toute l’Italie du Nord.

En foncé, la civilisation étrusque à son apogée, vers -500,
lorsqu’elle tomba sur un os : Rome (en rouge)

Or les Tarquins étant eux-mêmes d’origine étrusque, ils n’ont pas de mal à convaincre le chef militaire (le lars Porsenna) d’écraser la République romaine :

« Porsenna, persuadé qu’il serait avantageux pour les Étrusques qu’il y eût un roi à Rome et un roi de la race des Étrusques, marcha contre cette ville. » — Tite-Live (Livre II, ainsi que les citations suivantes)

La guerre

Prévoyant, le Sénat romain avait depuis plusieurs années dispensé les pauvres du paiement des impôts. Il considérait en effet que le peuple produisait la plus importante des richesses : les futurs Romains.

« Seuls les riches payaient l’impôt car les pauvres payaient un tribut assez fort en élevant leurs enfants. »

Mais lorsque la grande armée ennemie, commandée par Porsenna, se lance à l’assaut, les légions romaines sont rapidement écrasées. Malgré quelques actes de résistance, la guerre tourne à la catastrophe.

L’espoir disparaissait comme le jour devant le crépuscule : les Romains se retrouvaient assiégés et, passé plusieurs semaines, la faim tourmentait la population. Des lâches songeraient à se rendre, mais il n’y en avait pas à Rome.

Une flamme dans la nuit : Caius Mucius

Alors que tout semblait perdu, un jeune patricien, Caius Mucius, se présente au Sénat. Il ne se surnomme pas encore Scævola, nous verrons pourquoi. Son plan est aussi audacieux que suicidaire : il annonce qu’il se faufilera, seul, dans le camp ennemi pour assassiner Porsenna.

Le Sénat lui donne son assentiment. Caius Mucius se déguise à la mode étrusque, cache un poignard sous ses vêtements et profite de la nuit pour pénétrer le camp adverse.

Il se glisse au milieu de ces milliers de tentes, de provisions, d’hommes et d’animaux qui siègent là, sur les bords du Tibre, cherchant le commandant étrusque mais ne pouvant évidemment demander conseil de peur d’être démasqué.

Il repère cependant un attroupement : on distribuait la solde aux troupes. Un homme en particulier, richement vêtu, discute avec chaque soldat tandis qu’il les paye. Le lars Porsenna, assurément !

D’un geste rapide, Mucius s’élance, frappe… et le tue ! Sauf que, stupeur : les soldats qui le capturent immédiatement lui font comprendre qu’il a tué la mauvaise personne ! Il s’agissait là du trésorier. Porsenna, lui, se tient bien vivant à proximité.

Toile de Matthias Stomer (détail), 1640

Le sacrifice

Le chef étrusque fait venir le prisonnier et lui demande la raison de son geste. Mucius lui déclare :

« Je suis citoyen romain, on m’appelle Caius Mucius. Ennemi, j’ai voulu tuer un ennemi et je ne suis pas moins prêt à recevoir la mort que je ne l’étais à la donner. Agir et souffrir en homme de cœur est le propre d’un Romain. Cette guerre, c’est la jeunesse de Rome qui te la déclare ! » 

Autant dire que Porsenna est bien remonté par l’insolence du Romain. Il fait signe aux gardes de le préparer pour une longue séance de torture à l’ancienne. Mais c’est alors que Mucius entre dans la légende.

Avant que les gardes ne le saisissent, et sans sourciller, regardant toujours fixement Porsenna, il plonge son avant-bras droit dans les flammes d’un brasier qui éclairait l’endroit. Et tandis que sa peau commence à brûler et se liquéfier, sous les regards horrifiés des Étrusques, il dit :

« Vois, vois combien le corps est peu de chose, pour ceux qui n’ont en vue que la gloire. »

Toile de Gregorio de Ferrari (détail), vers 1700

Sa main droite n’est plus qu’un moignon carbonisé lorsqu’il finit de parler et le retire du feu. On imagine des morceaux de chair tombant par lambeaux… Et les soldats ainsi que Porsenna pétrifiés par ce geste inouï !

Toile de Rubens (1628)

La feinte finale

Fortement impressionné par son courage, Porsenna lui laisse la vie sauve. Mais Scævola tente encore un ultime coup de bluff : il fait mine d’avouer au chef étrusque un complot. Trois cents jeunes Romains, aussi déterminés que lui, sont prêts à le tuer. Certains rôderaient même déjà autour d’eux, incognito…

Effrayé par cette fausse révélation, Porsenna décide de signer un traité de paix avec Rome et de lever le siège. La guerre est finie, la ville est sauvée !

La gloire et l’immortalité

Après cet exploit, et comme son bras droit était définitivement invalide, Caius Mucius reçut le surnom de Scævola, qui en latin signifie « gaucher ». On lui donne en récompense de vastes champs situés au-delà du Tibre, qui furent baptisés de son nom : Mucia Prata, les prés Mutiens. Il obtint enfin l’honneur d’une statue consacrée à sa mémoire.

Sculpture de Christian Beyer, vers 1780, Schönbrunn, Autriche

Quant aux Étrusques, il faudra à Rome plus d’un siècle pour s’emparer de leurs premières villes et plusieurs autres ensuite pour annexer totalement cette civilisation.

Transmettre le flambeau

L’histoire est édifiante et c’est sans surprise qu’elle a inspiré de nombreux artistes européens : peintres, sculpteurs, mais également des musiciens comme Haendel, qui lui a consacré un opéra.

Nietzsche lui aussi, adolescent, se comparera à Scævola : ses camarades de classe contestant qu’un homme puisse volontairement s’infliger une telle douleur, Nietzsche saisit, dans le poêle, un charbon ardent et le tint fermement pendant plusieurs minutes devant ses camarades éberlués. Il en conserva une cicatrice jusqu’à sa mort.

Et nous-mêmes… ? N’avons-nous pas tous mis notre main au-dessus de la flamme d’une bougie ou d’un briquet, par jeu ou pour défier des amis ? À peine quelques secondes, évidemment… mais à travers ce geste intemporel, c’est un peu de l’esprit de Caius Mucius Scævola qui résonne alors en nous.

 


Note 1 : L’exploit de Scævola est raconté par de nombreux auteurs antiques, la principale source étant Tite-Live, que l’on peut lire en ligne ici.

Note 2 : L’anecdote sur Nietzsche provient du Dictionnaire amoureux de la Rome antique, de Xavier Darcos, par l’intermédiaire de La Toge Et Le Glaive, un blog historique que nous vous invitons à parcourir.

Les illustrations non créditées ont été générées par Midjourney ou viennent de FreeImages.

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Aujourd’hui certains courageux patriotes Ukrainiens perpétuent le courage et la détermination de Caius Mucius Scaevola .

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