Nous retranscrivons ici, avec son aimable autorisation, le témoignage que Pierre Gentillet a publié sur X. Pendant deux longues années, l’avocat et chroniqueur originaire de cette région a participé aux manifestations contre l’installation d’un centre de migrants.
Ce fut un combat de longue haleine, et voici qu’aujourd’hui, la victoire se dévoile enfin, pleine et entière : le projet de centre de migrants à Bélâbre est définitivement et officiellement abandonné.
Je voudrais vous écrire quelques mots pour clore ce qui fut pour moi et les habitants du village un combat de presque 2 ans.
Depuis les premières mobilisations de l’hiver 2023 jusqu’à ce jour, l’énergie des habitants n’a jamais fléchi. Nous avons organisé plus d’une dizaine de manifestations, souvent sous un ciel lourd, dans le froid et la pluie.
Pourtant, nous étions là, debout, inflexibles. Il y eut des moments de doute, des matins où, sur la place du village, nous n’étions plus qu’une poignée — soixante, peut-être — mais jamais nous n’avons renoncé. Peu à peu, la pression exercée a fini par faire vaciller ce projet, et enfin l’enterrer.
Ce qui m’émeut le plus dans cette aventure, c’est l’âme collective qui s’est révélée. Bélâbre, ce village de neuf cents âmes, qu’on pourrait croire oublié au cœur du Berry, a su montrer qu’il n’était pas de ceux qu’on bouscule impunément. On a voulu lui imposer, sans la moindre concertation, un centre de migrants, comme un coup de tonnerre jeté dans un ciel serein. Mais ce village a trouvé la force de se révolter. Et tout a commencé par un acte simple : le message sur twitter (aujourd’hui X) d’une vieille dame — une femme incroyable, lucide et courageuse — qui m’alerta avant même que l’affaire ne soit publique. À partir de ce moment, tout s’est enclenché.
Je me souviens de ma première manifestation à Bélâbre, cet hiver 2023. Le vent glacé balayait la place, et je m’attendais à n’y voir qu’une poignée d’âmes courageuses, peut-être dix ou vingt personnes. Mais il y en avait près de deux cents ! Deux cents visages qui portaient en eux l’héritage d’une France profonde, authentique. Ces traits me rappelaient ceux de mes ancêtres : ce peuple, enraciné et fier, qui se dresse quand tout semble perdu. Beaucoup de ces manifestants n’avaient jamais pris part à une action politique. Mais cette fois, la politique était venue les chercher, perturbant leur quiétude. Et ils avaient choisi de ne pas reculer.
Ce fut une mobilisation constante, minutieuse, à laquelle une équipe formidable, dirigée par Ludivine Fassiaux, donna un souffle, une énergie et surtout une endurance. Pas à pas, jour après jour, nous avons tenu bon. Aujourd’hui, nous pouvons proclamer cette vérité : le centre de trente-huit migrants n’ouvrira pas à Bélâbre.
Certes, c’est une victoire modeste au regard des innombrables projets similaires qui surgissent partout en France. Mais elle porte une signification immense. Ce petit village perdu au cœur du Berry a envoyé un signal puissant aux maires et à l’État lui-même : on ne peut imposer, dans la ruralité ou ailleurs, de tels projets sans concertation, sans considération. A défaut, les responsables s’exposeront à la colère et à la mobilisation citoyenne.
Bélâbre a prouvé qu’une communauté résolue peut faire plier les décideurs les plus distants des aspirations profondes de notre peuple. La leçon est claire : chaque résistance locale, si humble soit-elle, contribue à un combat national plus vaste.
Toutefois, l’ombre d’une nouvelle bataille plane déjà. Si le projet est enterré à Bélâbre, on murmure qu’il pourrait renaître à Argenton-sur-Creuse, cette ville se trouve être le berceau même de ma famille. Ce sera donc un autre combat à mener, sachant que deux CADA [Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asiles] y sont déjà implantés. Mais l’essentiel est acquis : un village a fait reculer une machine qu’on croyait inexorable. Plus encore, il a suscité une prise de conscience. Car j’ai vu, de mes propres yeux, des hommes et des femmes comprendre, presque d’un coup, l’urgence de sauvegarder leur identité, leur histoire, leur peuple.
C’est sans doute ce qui me touche le plus. Voir ce peuple, ce peuple ordinaire et noble à la fois, se lever et affirmer :
« Nous voulons rester ce que nous sommes et avons toujours été. »
J’espère que la jurisprudence Bélâbre en inspirera d’autres pour mener ce noble combat pour notre peuple à se maintenir dans son histoire.
Pierre Gentillet
Pierre Gentillet est avocat, chroniqueur et militant politique. Il a été candidat pour le Rassemblement National aux législatives de 2024.
Voir sur le même sujet l’article de France Bleu : Indre – le projet de centre d’accueil de demandeurs d’asiles de Bélâbre est abandonné.